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Thursday, October 20, 2005

Sanction ou dialogue, avec Castro, l'UE vacille

 
Après la suspension des sanctions en janvier, les Vingt-Cinq attendent toujours un geste du président cubain, invité de l'Espagne en fin de semaine.
Sanction ou dialogue, avec Castro, l'UE vacille

Par Véronique SOULE et François MUSSEAU
mercredi 12 octobre 2005



Que faire de Fidel ? La question est devenue un casse-tête pour les Européens. Après les sanctions, suspendues en janvier car jugées inefficaces, les Vingt-Cinq ont voulu miser sur le dialogue avec le régime castriste. En vain. Cette semaine, la France reçoit le ministre cubain des Affaires étrangères et l'Espagne accueille le Líder Máximo, sans que La Havane n'ait en rien adouci sa répression contre les dissidents ni amélioré son bilan en matière de droits de l'homme.
Divisions. Les Vingt-Cinq se consolent en soulignant qu'ils se sont entendus sur une politique commune à l'égard de Cuba : le dialogue, avec l'espoir de pousser à la démocratisation tout en gardant le contact avec les dissidents. Ce n'était pas gagné d'avance, les Vingt-Cinq étant très divisés. D'un côté, au nom du réalisme, l'Espagne du socialiste José Luis Zapatero, qui donne le ton de la politique de l'UE à l'égard du monde ibérique, est un ardent défenseur de la normalisation avec Cuba. D'un autre côté, traumatisés par leur expérience du totalitarisme, les nouveaux membres de l'Union ­ notamment la République tchèque et la Pologne ­ militent pour une ligne dure.
Le 14 juillet, la France, plus proche de la position espagnole, fut la première à inviter un officiel ­ le chef de la diplomatie, Felipe Pérez Roque ­ lors de la fête nationale à son ambassade à La Havane. Dans le cadre des sanctions adoptées en juin 2003 à la suite de la répression de mars-avril (75 dissidents condamnés), l'UE avait cessé tout contact à haut niveau et recommandé à ses membres de convier des opposants lors des réceptions. Devant cette «guerre des cocktails», Castro avait alors vu rouge et décrété le «gel» des relations diplomatiques avec l'Union.
Dissidents. Lors de sa rencontre hier en fin d'après-midi avec Felipe Pérez Roque, à Paris pour la conférence générale de l'Unesco, le ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, a rectifié le tir. Il a «exigé la libération des prisonniers politiques à Cuba». Il devait aussiréitérer l'inquiétude, exprimée par l'UE, pour la santé des trois dissidents détenus qui ont fait la grève de la faim. Officiellement, il ne s'agirait nullement d'un recentrage, d'autant qu'à la veille du 14 juillet, l'ambassade française avait aussi rencontré des dissidents. Mais Cuba n'ayant pas répondu au geste d'ouverture de Paris, et à celui de l'UE, qui, en juin 2005, a reconduit pour un an la suspension des sanctions, il fallait sévir.
L'Europe est aujourd'hui dans l'impasse. Traversée de sensibilités différentes, elle a été incapable de définir une politique cohérente au-delà de la suspension des sanctions. «Ces mesures ont été contre-productives», avait asséné le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, le 30 janvier lors de leur levée, estimant qu'un «dialogue constructif» donnerait plus de résultats et citant à l'appui la récente libération de 12 des 75 dissidents emprisonnés en 2003. «Je vois l'avenir avec optimisme», avait-il conclu.
Arrestations. Le régime castriste ne l'a guère aidé. En mai, il expulse de l'île treize parlementaires et journalistes européens venus rencontrer des dissidents. L'UE juge l'incident «regrettable». Le 13 juillet, une dizaine d'opposants tentant de manifester à La Havane sont ensuite embarqués. Puis le 22, à la veille de la fête nationale cubaine, une vingtaine de dissidents sont à nouveau interpellés.
Devant l'échec de la main tendue, l'unité européenne, dès lors, se fissure. Et, le 4 octobre, l'Allemagne relance la «guerre des cocktails». Pour commémorer la réunification, son ambassade à La Havane organise deux réceptions. A la première à midi, elle invite les officiels. A la seconde dans la soirée, les dissidents. L'ambassadeur est convoqué le lendemain à la chancellerie cubaine.
En Espagne, la venue du président Castro lors du Sommet ibéro-américain, vendredi et samedi à Salamanque, a relancé la polémique, le Parti populaire de José María Aznar dénonçant l'indulgence des socialistes. A défaut de se dédire, Madrid a juste fait savoir que pour la Fête de l'hispanité célébrée demain, son ambassade à Cuba n'avait lancé aucune invitation particulière.
 

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